Le décrochage de l’Europe continue

18 novembre 2024
-IAM, News

Hugues Chevalier, Economist

 

L’économie européenne sous-performe depuis des années face aux autres régions du monde, et en particulier par rapport aux Etats-Unis. Le rapport présenté par l’ancien président de la Banque centrale européenne, Marco Draghi, à la Commission européenne le 9 septembre dernier, établit un diagnostic détaillé sur le décrochage du vieux continent face aux Etats-Unis et à la Chine. En particulier, celui-ci montre l’écart croissant de l’investissement des entreprises entre les Etats-Unis et l’Europe (près de 1.5 point de PIB chaque année depuis 14 ans), du coût de l’énergie (pour le gaz +345% par rapport aux USA), de l’écart de productivité et surtout du décrochage du PIB par habitant. Ainsi, en 2008 les PIB américain et européen étaient similaires (à prix courants) à environ 14’500 milliards de dollars. Quinze plus tard, le PIB européen ressort à un peu plus de 15’000 milliards, alors que celui des Etats-Unis est passé à près de 27’000 milliards de dollars, de sorte que l’écart a bondi de 80% en 2024, contre 0% en 2008. Pour sortir de cette situation, le rapport préconise un montant d’investissements de 800 milliards d’euros supplémentaires. Mais dans un contexte de dérives des finances publiques, cet objectif semble irréalisable. L’actuelle présidente de la BCE estime que des réformes structurelles sont absolument nécessaires pour ralentir ce décrochage. En effet, Christine Lagarde préconise des réformes de l’administration européenne, du système de financement européen qui reste trop faible et l’arrêt de régulations systématiques en donnant l’exemple de l’intelligence artificielle, secteur développé principalement aux Etats-Unis, mais qui est déjà « régulé » en Europe alors que cette dernière n’a aucune entreprise « leader » dans ce secteur en pleine croissance. Une autre piste est de développer le « drainage » de l’épargne, comme le font les fonds de pension américains, vers l’économie et les entreprises innovantes, ce qui est trop peu le cas en Europe, car « l’union » des marchés de capitaux n’est pas assez développée. Et les pays de l’UE freinent tout mouvement, à l’instar de la tentative du rachat de la Commerzbank par Unicredit. Alors que l’Allemagne frôle la récession et que la France est engluée dans une dérive de ses comptes publics, on voit mal pour l’instant ce qui pourrait sauver le « soldat » Europe à court et moyen terme.
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