Décrochage de l’Europe

13 novembre 2023
-IAM, News

Hugues Chevalier, Economist

Alors que la croissance économique de la zone euro s’est contractée de 0.4% l’an (t/t) au cours du troisième trimestre, celle des Etats-Unis a progressé de 4.9% l’an. Depuis 15 ans, l’écart de croissance ne cesse de croître des deux côtés de l’Atlantique Nord. A chaque crise, l’Europe perd quelques points de croissance face aux Etats-Unis. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), depuis 2007, la croissance par habitant a progressé de 19.2% outre-Atlantique, contre seulement de 7.6% dans la zone euro, soit un écart de près de 12 points. Désormais, le revenu moyen des Américains dépasse de plus de 20% celui des Européens. La principale raison de cet écart qui croît est la différence de politique budgétaire des deux côtés de l’Atlantique. Ainsi, le déficit américain en 2020 et 2021 était de respectivement 14% et 11.6% du PIB, contre 7.1% et 5.3% dans la zone euro. Les ménages et les industries américains ont donc bénéficié du soutien colossal de leur gouvernement. En août 2022, le gouvernement américain a encore lancé un nouveau plan de soutien à l’industrie de 400 milliards de dollars. Corolaire de ces dépenses massives, le déficit public américain devrait rester aux alentours de 7% du PIB jusqu’en 2028 et la dette publique pourrait atteindre près de 140% du PIB en 2028. Rien de tout ça en Europe. D’abord les règles budgétaires européennes, beaucoup plus strictes, devraient être rétablies en 2024 (maximum de 3% de déficit autorisé), ce qui devrait avoir un impact négatif sur la croissance européenne de près de 1% en 2024. Par ailleurs, la zone euro n’étant pas une union budgétaire, de telles dépenses publiques ne sont pas possibles, car difficilement finançables, en particulier pour les pays très endettés comme l’Italie. Enfin, depuis 2022, la guerre en Ukraine a fortement pénalisé l’économie européenne dont les coûts de l’énergie ont explosé, ce qui n’est pas le cas des Etats-Unis qui sont exportateurs de gaz, notamment vers l’Europe. Le resserrement monétaire opéré par la BCE a donc essentiellement lutté contre la flambée des prix de l’énergie, alors que la Réserve fédérale a augmenté ses taux pour combattre un emballement de la consommation des ménages. Dans la configuration actuelle, le décrochage de l’Europe devrait donc se poursuivre.

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